L'oeuf bien sûr.
Cette question est un faux problème qui repose sur deux assertions fausses, et au-delà sur l'ignorance du phénomène de l'évolution.
la première est qu'un oeuf de poule doit forcément être pondu par une poule. Or les oiseaux descendent des reptiles, qui pondent déjà des oeufs. La "première" poule est sorti d'un oeuf pondu par un oiseau d'une autre espèce, oeuf porteur d'une mutation (en fait il y eut probablement plusieurs oeufs mutés simultanément et des individus mutés transitoirement encore interféconds avec leur espèce mère).
L'autre erreur est la croyance en la réalité d'une "nature de poule" et en l'existence réelle de l'espèce "poule", c'est-à-dire qu'il existe un ensemble d'individus possédant cette "nature de poule". Or la notion d'espèce n'est pas très claire (un extra-terrestre pourrait croire que l'homme et la femme sont deux espèces différentes (dymorphisme sexuel) . On a d'ailleurs souvent fait l'erreur à propos d'autres espèces, notamment d'invertébrés ou le mâle et la femelle sont franchement très différents). Les poules sont un ensemble d'individus présentant certes une certaine ressemblance, se reproduisant entre eux parce qu'ils présentent une structure génétique homologue compatible pour la reproduction sexuée ; mais certains individus au sein d'une même espèce forment des couples stériles car leurs gènes sont incompatibles, alors même qu'ils ne sont pas absolument stériles (ils se reproduisent sans problème en s'accouplant à d'autres). D'autre part l'accouplement est possible avec des individus appartenant à d'autres espèces (hybrides).
Et puis la ressemblance entre deux poules (penser aux différentes races), ou entre une poule et un coq, que ce soit au niveau du phénotype ou du génotype n'est pas si évidente que cela.
Pour certains biologistes la notion d'espèce est un concept sans existence réelle, un abus de langage, utilisé par commodité ; en fait il n'existe que des individus, tous génétiquement différents . Dans ce cas une poule ne descend jamais réellement d'une autre poule, c'est une illusion cognitive.
En effet nous naissons avec des concepts cognitifs préexistants, dont la nature (l'évolution) nous a doté pour nous permettre d'appréhender le monde et d'y survivre, opératoires mais pas "réels" ; en particulier nous sommes dotés du concept très puissant de catégorie. Parmi les catégories innées figure la notion d'espèce (i.e. "catégorie d'êtres vivants") dont on a montré qu'elle est connue et employée infailliblement par les enfants en très bas âge, avant même de savoir parler et sans qu'on leur ait appris.
Mais n'est-ce pas alors un artifice employé par notre cerveau pour simplifier le traitement des informations et y mettre de l'ordre à moindre coût ?
De nombreux logiciens se sont cassés les dents sur ce problème des catégories : existent-elles réellement ou n'est-ce qu'une convention commode?, et ce depuis fort longtemps. Notamment les scolastiques au Moyen-Age, ce qui a donné naissance à la "querelle des universaux". Saint Anselme de Cantorbéry s'interrogeait ainsi sur la réalité ou non de la notion de "chevalité". Il en serait de même pour celle de "poulitude" (à rapprocher de celle de "dinditude" ; oups désolé, j'ai pas pu m'empêcher). Sans compter la catégorie "oeuf"...
Le concept d'idéal chez Platon renvoyait à la même problématique (l'idéal étant le modèle dont dérive les êtres réels, qui en sont des copies imparfaites : les chevaux concrets sont ainsi les décalques de l'Idée de cheval, laquelle existe réellement dans le "Monde des Idées"). Aristote emploie lui le concept de forme pour expliquer les catégories.
Ce problème des catégories n'est toujours pas résolue de manière satisfaisante.
Cette question rabâchée de l'oeuf et de la poule, en apparence idiote, renvoie donc aux fondements mêmes du fonctionnement cognitif de notre cerveau.
Voilà voilà... Allez bonne nuit.